On y arrive comme dans un grand hôtel, si ce n’est que le véhicule qui nous dépose devant l’immense porte d’entrée en verre, tenue par des employés en uniforme sous un large auvent à colonnes, est plus susceptible d’être une ambulance qu’une limousine. Le hall d’accueil, très classe, dispose de fauteuils confortables, d’un Starbucks et de distributeurs de monnaie, sur un sol en marbre miroitant de propreté. La couleur dominante est un rose orangé détendant. L’une des trois hôtesses en tailleur rose saumon derrière le large comptoir design de l’entrée vous accueille avec le sourire : "Vous voulez consulter ? (baissant le ton) Est-ce un problème de grossesse ?". (Grand moment de solitude.) Une fois rassurée sur vos bonnes mœurs, elle vous dirige vers la section qui vous intéresse, à laquelle vous accédez par les ascenseurs. Là encore ce sont des modèles design et spacieux avec un sol en mosaïque ; ne manque que la musique.Une fois dans le département qui vous concerne, prenez un ticket à la borne et attendez que votre tour arrive pour passer à l’accueil, où les hôtesses vous proposeront soit d’attendre pour voir le docteur qui vous intéresse (dans chaque spécialité, il y a une dizaine de praticiens disponibles), soit de prendre un rendez-vous. Si vous optez pour l’attente, vous êtes priés de vous installer sur les confortables sièges positionnés devant la porte du médecin en question. Une moquette moelleuse recouvre le sol ; les couleurs dominantes sont pastel dans une décoration sobre et apaisante. Devant chaque porte de cabinet, les bureaux des secrétaires sont en imitation bois précieux. Les volumes sont spacieux, harmonieux et la lumière douce et orangée contraste totalement avec la lumière d’hôpital violemment bleue que nous connaissons tous. Le plus impressionnant ? Il n’y a pas d’odeur. C’est un hôpital qui fleure bon l’air frais et totalement dépourvu de cette fragrance de médicaments habituellement typique des zones médicales. Tout est neuf et très moderne : il y a même des écrans plasma qui rendent l’attente plus supportable en vous passant des émissions sur le bien-être des animaux, les dernières tendances de la coiffure ou des dessins-animés. D’ailleurs permettez-moi une petite digression, parce que je tiens ici à élever ma voix contre ces produits mal faits, roboratifs et sans saveur que les capitalistes de l’industrie de la culture cherchent à nous imposer aujourd’hui ! Ouvrons les yeux, nous valons mieux que cette qualité ridicu
le que l’on nous impose ! Camarades, unissons-nous ! Où sont passées nos valeurs d’antan, les dessins artisanaux produits avec amour par la main de l’homme, les scénarios intelligents et pénétrants..? Père Castor, Jumanji, Princesse Sissi... chefs-d'oeuvres qui avez bercé les samedis matin de notre enfance, sur quel autel dédié aux dieux Profit et Mondialisation vous a-t-on sacrifiés !? Las, les dessins-animés d’aujourd’hui sont à ceux d’autrefois ce que les best-sellers actuels sont aux grands auteurs des temps passés... une injure mes amis !! (Marc Lévy, à bon entendeur...)Mais revenons à nos moutons (de panurge, puisque victimes du capitalisme culturel). Au bout d’un moment passé à m’apitoyer sur la médiocrité de notre temps incarnée en Disney Channel, la secrétaire de mon docteur s’est tournée vers moi avec un sourire jusqu'aux oreilles : "You will be the next one, okay ?".
J’ai pu ainsi pénétrer cette antre mystérieuse fermée par une porte de bois sombre artistiquement travaillée, sur laquelle une pancarte annonçait à peu près tout le curriculum vitae de celui que j’allais rencontrer : "MBBS (London), MFSRH (UK), FRCOG (UK), AM, MD" .... PLMI ! (Pour Le Moins Intimidant)
J’ellipse le reste, c’est classé secret médical. L’ordonnance délivrée est aussitôt approvisionnée par le bureau pharmaceutiq
ue du département, dont le comptoir immaculé ouvre sur un monde de réserves médicinales gracieusement délivrées par une hôtesse souriante, dans de jolis sachets en papier recyclable. Merci d’appeler dans trois jours pour nous informer de l’évolution de votre état ; à la prochaine.Je dois bien dire que je serais plus heureuse de me faire soigner dans cet établissement que dans bien des hôpitaux français !!